She's
going to smile to make you frown, what a clown / Before you start, you’re
already beat / she’s gonna play you for a fool, yes its true
The Velvet
Underground - Femme Fatale (mp3)
Et si je dis une fois de plus « mon amour » ? Ces mots
sont tout aussitôt prisonniers, comme moi-même, de cette réalité d’absence. Ton
absence est aussi pour moi, un perpétuel rappel à l’ordre. À l’ordre des sourds-muets-aveugles-paralysés
de silence et de distance. Manger dormir, s’oublier à rire brièvement, regarder
ce ciel, même en en détournant aussitôt un regard blessé, tout cela me paraît
frappé d’indécence. Le sentiment ne me quitte plus de te trahir à chaque
instant, d’une trahison fondamentale. Sûrement parce que je me persuade que tu
n’aurais pas, toi, supporté mon absence, ton absence ou ce qui rend vénéreux
l’air et le pain, les sourires, la saison en cours, la mer, l’amitié et la
musique. L’amour, cet espace facile et chaleureux, c’était d’abord en moi qu’il
se développait. Tu parlais à mots dorés de cœur et ta voix était pollen,
fécondant ce qu’elle touchait en moi, pendant que j’occupais à l’aise ma
respiration.
Ce qu’il en est aujourd’hui, de cet espace en moi, faut-il le dire ? Mon
amour... Le sens-tu, que je prononcer ces mots à bouche effondrée, à gorge
exiguë ? Que je les hasarde plus que je ne les impose ? Des semaines
durant, c’est là, ma seule image de toi parce que mon travail me requiert,
parce qu’il ne fait ni beau ni mauvais temps, mais aussi sans doute par une
sorte de distraction inconsciemment entretenue, comme si l’être sentait qu’il
ne pouvait se permettre d’affronter, à longueur de temps, ta vérité présente.
Une heure souvient toujours, pourtant, ou ce n’est plus ton absence, c’est-à-dire,
au fond, ton visage et ton corps d’autrefois que je vois, que j’éprouve de
toute ma peau… un jour vaste à pleine nuque m’accueille, au matin, à moins
qu’une averse ne s’abatte, brève et furieuse.
Je me demande à peine, est-ce la pitié de moi, ou est-ce l’horreur de
nous ? Je me suis retranché un instant derrière mon orgueil quand je ne te
crus que blessée, je me préparais avec une provision de tendresse, à
t’affronter fâchée pour la vie peut-être et que je t’aimais alors ? Cela
n’a rien changé ! Nous sommes ici à l’extrême degré de dérision de ce que
je voulais qu’on soit, dans l’envers que tu étais paresse de mes touches, doux
sourires insensés, alors que tu avais fraîcheur et saveur d’un poisson de
roche…
Il n’est pas vrai que je te vois, je ne suis pas sorcier, je t’imagine
malaisément et cela vaut mieux, sans doute, car, qui parmi ceux qui t’ont aimé,
encore, ceux qui t’aiment toujours.. Pourrait supporter ta vérité distante, et
celle du futur ? Je t’imagine et j’ai grand soin d’écouter le mot Belle et
le mot Délicieuse, sont les plus bénins de ceux qui se proposent...
Tu le vois, je me tiens en porte-à-faux, à la frontière du
présent et du révolu, du vrai et de l’illusion, soutenant au-dessus de cette
frontière même tantôt, la pression de mon amour vivant, et tantôt, retiré des
décombres d’un amour que tu as déserté. Il n’est pas vrai que je te soutienne,
quand c’est le présent qui l’emporte, je subis, atterré, l’envahissement de mon
être par ta béate personne au point de ne savoir démêler ce qui t’appartient et
ce qui relève, encore de ma vie viciée.
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