Étourdissements estivaux : les cauchemars aveuglent l’esprit

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Jeff Buckley - Nightmares by the Sea (mp3)

I've loved so many times and I've drowned them all from their coral graves, they rise up when darkness falls. With their bones they'll scratch the window, I hear them call: "Don't know what you asked for."

Lentement et insensiblement, la nuit, avec ses splendeurs et ses contrecoups pittoresques, ses théurgies et ses blandices, se faisait plus dense. La touffeur de la journée avait cédé la place à une frisquette brise, ma fête intérieure, qui apportait au songe-creux, accordé à la plage, une sensation de bienêtre. L'affranchissement de cette lumière vers l'illusion noire d'un moment mystérieux qui criait autour de moi des ombres, il faisait clair de lune, une nuit d'or, nuit douce, une cure aux amants qui se produit. En moi il faisait noir, je cherchais dans mon assombrissement des éclaircissements, indices, des étoiles pendant que, droit sur l'horizon, le vent effrangeait dans le ciel obscur les fumées qui montaient d'un vieux bateau de pêche.

Je savourais cette heure de décontraction et de solitude, o royaume de ma douceur secrète, lieux de mes crimes commis, mon trucmuche affreux : Souvenir de Wassila vient frôler mon esprit, le passé sournoisement exploitait le climat placide ambiant pour jaillir à son tour de l'ombre.

Wassila… Suzie Q ... Elles se mêlaient dans mon raisonnement et je ne pouvais plus me remémorer d'une sans que l'autre ne se manifeste brusquement, en surtrace. Wassila qui ne me serait plus… Suzie Q qui ne me dépendrait oncques… faudrait-il que je reconquière chacune rien qu'avec mes lucidités ? Suis-je prédestiné à toujours rester agripper aux vestiges, un hale qui vaticine un lien, de ces manitous féminins qui s'étaient concrétisés, au prix de tant d'élancements, en moi toujours acrimonieuses, gloutons. Me hantaient ?

J'avais manqué de tirer sur ma cigarette dont la cendre crayeuse s'étalait comme si que j'avais négligé cet habituel mouvement, cette secousse de l'index pour faire tomber la cendre. Je me sentais soudain exténué. J'ai eu subito assez de contempler les étoiles se traduire sur la mer pleine et creuse, cet étendu d'eau immense où fuguaient mes galères que je ne dominais plus, comme des raisonnements que je n'ai jamais osé dire, se précipitant, à l'oreille de cette mer, femme que j'aurais personnifiée, insensible, on la dit : calme, étale, immobile, plate, sereine, tranquille, creuse, dure, forte, grosse ou houleuse, agitée, courroucée, déchaînée, démontée, écumante, mauvaise, moutonneuse, soulevée, tempétueuse…

Ces étoiles scintillantes et obscurément tremblantes, ses petits yeux incertains, flottants entre l'azur et le zénith, n'arrivant toujours pas à me farder un double visage dont l'image, enracinée au fond de ma mémoire, pouvait encore me peiner de tant de contritions et d'âcreté.

Dans une ascension brusque, je tourne le dos à la plage, où les petites vagues venaient mourir à mes pieds, je traverse les deux passages pour regagner ma chambre d'hôtel. Le vieux réceptionniste devait être déjà assoupi, bénéficiant de la présence du gardien en bas.  Sur le mur du palier, une lampe veilleuse était allumée, mais l'étroit couloir qui donnait plus à un goulet était plongé dans la pénombre, dont l'ataraxie qui y régnait restait angoissante.

En palpons, je retrouve ma porte, je n'allumais guère de lumière tant je souffrais, tout à coup, d'une épouvantable fatigue, une abolition complète de mon corps. Je me suis juste dévêtu à la vague luisance qui s'introduisait par la fenêtre et s'étala sur le lit. Moins de dix minutes après : accablé, vanné par la fatigue qui me ballotta dans mes noires pensées avant de me vaincre brusquement, je roupillais aplati sur mon lit d'angoisse.

Mon premier sommeil à Bejaia était si profond que je n'ai perçu les circulations insolites qui tout à coup se lancèrent dans le couloir. Des pas causèrent un écho vide au fond, un téléphone carillonna sans qu'il y ait une voix qui le satisfait puis tarit pour laisser supposer un bruit étouffé d'un jeu de clefs tremblotant qui s'introduisit dans une serrure avant qu'une porte ne s'ouvre pour se refermer sur-le-champ avec un mouvement brusque et frétillant.

Moi, je me remuais dans ce lit à deux places, moite et profond. Je rêvais que je me débâtais contre Wassila et Suzie Q, la première s'efforçant de m'attirer vers la terre et la seconde vers la mer. Entre les deux femmes, un bambin de six ans, à peine, maintenait une bougie terne dans une main et dans l'autre un browning chargé dont il retenait le canon bien braqué vers mon thorax. Puis, il y eut à nouveau l'écho des pas au fond du couloir. Le bruit des jeux de clefs récidive à se disputer contre la fermeture d'une porte cette fois-ci plus proche. Peu après, je me réveille avec la sensation confuse que j'aie été tiré, hâtivement, de mon inconscience de cette plage d'hallucination, par quelque chose saugrenu. Un bruit harmonieux à peine perceptible me parvenait : la cinquième symphonie de Ludwig Van s'exécutait en itération sur mon iPod que j'éteins d'un seul geste.

Jeff Buckley


You know damn well where you'll go: Jeff Buckley - Nightmares by the Sea

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Donner à Voir,9,Essential Discs,3,Interprétations Sous Influences,21,New & Future Releases,6,Retro OST Theater,2,The Sixth Reich ‘n’ Roll,3,
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The Sixth Reich ‘n’ Roll - audioblog lunatique: Étourdissements estivaux : les cauchemars aveuglent l’esprit
Étourdissements estivaux : les cauchemars aveuglent l’esprit
Cette chanson est d'une autre époque, d'un autre endroit, je me demande où Jeff était dans sa vie quand il a écrit cette chanson parce que c'est si inhabituel ... c'est beau ... comme un cauchemar
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