Bob Dylan – The Man in Me (MP3)
The man in me will hide sometimes to keep from bein' seen
« L’homme silencieux est immature » avait dit la femme de mon rĆŖve. VoilĆ plusieurs nuits, ces rafraĆ®chissantes tĆ©nĆØbres auxquelles mes yeux sont habituĆ©s, que j’essaye, sans aucune chance de succĆØs, de chasser cette phrase qui, depuis, comme un dessin ou un slogan, hante mes pensĆ©es et y fait un Ć©cho cĆ©ans. Elle a dit Ƨa parce que pendant plusieurs nuits de ses visites nocturnes indĆ©finiment remises, quand son corps sauvagement beau –dont j’ai toujours envie d’en prendre soin mais que je tiens Ć le garder loin et ne le mĆ©riter que par mes pensĆ©es- vient traduire par une virtuositĆ© chorĆ©graphique inouĆÆe, ses idĆ©es folles et explicites, dans un vide noir qui nous entourait. Je ne disais rien, peut ĆŖtre par peur qu’elle se fĆ¢che et ne revienne plus comme la fois oĆ¹ je lui ai dit : « idiote... sensation ». C’est vrai que je n’ai pas une super tĆŖte comme la sienne, je dis Ƨa parce que je pense que mĆŖme si je n’ai rien dit, Ć part Ƨa, elle a bel et bien fini par m’extorquer, par le moyen de ses farandoles, beaucoup de pensĆ©es, ces paroles intĆ©rieures abondantes et involontaires, que je ne sais pas quelle force parvient-elle toujours Ć les lire. Mais comment n’a-t-elle pas pu comprendre, tant que mon Ć©tat Ć©tait permanent, qu’avec ces deux mots que j’ai dĆ©goisĆ©s si difficilement, je cherchais Ć me dĆ©crire moi-mĆŖme ? Oui, surtout quand je pense Ć cette nature, l’homme a habitude d’assommer la femme par le dĆ©sir qu’il lui procure, la femme par contre assomme l’homme avec sa tendresse, comment n’a-t-elle pas compris que j’Ć©tais lĆ assis sur le mĆŖme siĆØge, Ć©bloui bouche bĆ©e ne sachant quoi faire : L’assommĆ©e, ou me laisser assommer ? est-elle satisfaite ainsi ? jouit-elle de ce bonheur de me voir jouir du bonheur qu’elle me procure ?
Je crois que je n’ai que trop rĆ©flĆ©chi Ć sa phrase et cela m’a permis d’avoir le grand plaisir de me connaĆ®tre mieux, sĆ»rement comme jamais. Maintenant qu’elle est loin traĆ®nant derriĆØre elle ses dĆ©sirs, en moi il n’y a aucun instinct, donc voilĆ une idĆ©e que je m’aventure d’Ć©crire blanc sur noir, cette phrase, la sienne, a pour but de redĆ©finir l’homme, tente de redonner Ć l’homme sa juste valeur puis le replacĆ© exactement lĆ oĆ¹ il devait ĆŖtre depuis toujours. Veut-elle dire que l’homme par sa pensĆ©e et sa parole se distingue du troupeau animalier ? le rapprochement de la vĆ©ritĆ© de l’homme avec la parole n’est pas dĆ©jĆ une surĆ©lĆ©vation de son existence et un renouvellement de son identitĆ© ? Les mots sont son moyen pour s’exprimer d’une faƧon noble et l’unique clef au cÅur de son amante, Ć ce sujet, je crois pouvoir voir de lĆ , la main du premier homme qui se tend pour cueillir la premiĆØre fleur sauvage et l’emmener Ć sa femelle qui l’attend Ć leur taverne, pour qu’il lui dise : « Je n’ai rien pu chasser aujourd’hui pour manger, mais je t’ai ramenĆ© cette belle crĆ©ature que j’ai aperƧu dans un buisson, Ƨa m’a rappelĆ© ton beau sourire mon amour ».
C’Ć©tait peut-ĆŖtre le premier cadeau dans l’histoire, spontanĆ© par une pensĆ©e qui Ć rapprocher l’Ć©closion d’une fleur au sourire d’une femme, exprimĆ© par la parole, tout le secret, savoir la dire et quand la dire permettrait de dĆ©placer la roche ensorcelĆ©e pour arriver aux caisses de perles et de corail, aux houris obturĆ©es dans les palais paradisiaques. Mais moi, lĆ , je suis persuadĆ© que tant qu’il y aura des couchers de soleil qui hĆ¢leront la coraline, et des ocĆ©ans qui brodent le bleu, des Ć©toiles qui fuient leurs gĆ®tes pour habiter mon oreiller. Tant qu’il y aura des yeux foncĆ©s oĆ¹ la nuit se cherche elle-mĆŖme... Tant qu’il y aura des sentiers et promenades qu’on n’a pas marchĆ©, des rendez-vous non donnĆ©s... Tant qu’il y aura des vents qui soufflent... des soleils qui tournent, des Ć©toiles groupĆ©es en grappes lumineuses... Tant qu’il y aura un seul collier au creux de ma dulcinĆ©e que je n’ai pas encore dĆ©couvert la couleur de ses graines, tant qu’il y a dans sa garde-robe une nippe que ma curiositĆ© n’a pas atteint... tant qu’il y aura des choses, de toutes petites choses qu’elle possĆØdes, ses flacons, ses parfums, ses peignes et ses yeux ... ces deux lanternes allumĆ©es, qui allument ma vie, et cette bontĆ© qui se rĆ©veille chaque matin sur son lit et sur ces choses dĆ©laissĆ©es, c’est comme le monde se rĆ©veille avec son feu et sa cendre en image d’une Ć©charpe qu’elle a abandonnĆ©, comment les soirĆ©es se dĆ©gringoles des prunelles de ses yeux qui me noiera dans une nuit imprĆ©gnĆ©e de lumiĆØre.. Et d’une lumiĆØre imprĆ©gnĆ©e de nuit jusqu'au point oĆ¹ je ne saurais quand commence la nuit et quand fini le jour. Tant qu’il y aura Ƨa et tout Ƨa, je ne trouverais la parole, je serais toujours assommĆ©, exactement comme un homme devant la femme qu'il assomme.
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